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Plainte pour la mort de Raimon Roger Trencavel…

Heinrich_von_Meissen_Frauenlob_Minnesinger

 Guillem Augier Novella (...1209-1228...)

 Mélodie originale composée et interprétée pour Crozada d’Uei par Jean-Marie Carlotti.

Tous droits réservés.

 Traduction de  Patrick Hutchinson.

 I

Chacun pleure et crie son dommage,
Sa mauvaise chance et sa douleur ;
Moi, hélas ! J'ai clos dans le coeur
Tant de fiel, tant d'angoisse,
De ma vie je ne vivrai assez
Pour pleurer, pour plaindre dignement
Mon valeureux, le très prisé,
Le preux vicomte, qui est mort,
Celui de Béziers, le haut, le courtois
Gai, adroit entre tous, tête d'or,
Du monde le meilleur chevalier !

II

 Ils l'ont tué, et sur terre jamais
On ne vit tel outrage ni faute
Plus grande, plus terrible étrangeté
Envers Dieu et notre Seigneur
Que ce qu’ont fait ces chiens de renégats
Du lignage menteur de Pilate
Qui l'ont occis ; que Dieu, dont on dit
Qu'il est mort pour nous, puisque celui-ci
Est bien passé par le même pont
Pour sauver les siens, lui vienne en aide !

III

 Mille chevaliers de haut lignage
Et mille dames de haute valeur
Par sa mort iront éperdus,
Mille bourgeois, mille serviteurs
Qui auraient été bien lotis
S'il vivait encore, riches, honorés !
Or il n'est plus ! Quelle perte c'est ! ,
Ce qu'il est, et ce qui vous est pris,
Ceux qui l'ont tué - qui et d'où ! -
Voyez-le, Dieu ! Il ne nous répond plus !

IV

Ah, Seigneur ! Aux grands, aux petits
Quelle amertume, combien cruel
De se souvenir de l'honorée
Seigneurie dont nous connûmes l'abri,
Et dans l'ultime fidélité
Qu'il s'est laissé pour nous mourir !
Ah Dieu, il n'est plus ! Perte affreuse !
Orphelins, nous sommes tous à mal !
De quel côté, vers où aller
Pour trouver bon port ? Mon coeur est brisé !

V

Puissant chevalier, riche de lignage,
Riche en hardiesse, riche de valeur,
Riche d'esprit, riche de fidélité,
Riche de donner, prompt à servir,
Riche d'orgueil, riche d'humilité,
Riche de sagesse, de belle folie,
Beau et bon, en tout accompli :
Jamais n'eût homme qui vous valut !
En vous avons perdu la fontaine
Qui nous abreuvait tous de bonheur !

VI

 Je prie ce Dieu qui de soi-même
Se fit trois en une déité
Qu'en son ciel, où est la joie majeure,
Il l'accueille, épargnant son âme,
Et à tous ceux qui pour son bien
Ont prié accorde secours et sûreté.

VII

Beau Perroquet*, jamais ne m'a grisé
Autant l'amour que maintenant
Ne m'abat l'atroce malheur
Du meilleur seigneur qui jamais ne fût
Aussi loin que clôt la mer à la ronde,
Que m'ont tué ces traîtres, gens sans aveu.

* Senhal d'Azalaïs de Boissézon (RIQUER, p. 1180, note 57).

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