A+ A A-

Serventes Novel (Serventes à Dieu)

PERDIGON

Un sirventes novel vueilh commensar [PCC 217, 2]
Peire Cardenal, trobador du Puy en Velai (XIII° siècle)
Source : texte de référence pour la création de Crozada d'Uei
Traduction Patrick Hutchinson

 

Je veux commencer un serventes inouï
Que je réciterai au jour du jugement
Devant Qui me fit et me forma de rien.
S’il fait mine de vouloir m’accuser
Et de m’enfermer en sa dure prison,

Lui dirai : ‘De grâce,Seigneur, s'il vous plaît, non !
Le monde mauvais m’a tourmenté toute ma vie,
Des tortionnaires d’en bas, sauvez-moi, je vous prie !’

Toute sa cour sera dans l’étonnement
Quand ils entendront mon plaidoyer,
Car je soutiens qu’envers les siens il faillit
S’il les veut détruire ou mettre en enfer.
Qui perd ce dont il pourrait tirer avantage
Mérite de passer d’abondance à disette
Car il convient d’être doux et généreux
Pour retenir les âmes au moment du passage.

Il ne faut surtout pas barrer votre porte,
Car pour Pierre, qui en est le saint portier,
C'est trop de honte ; toute âme qui le désire
Doit pouvoir y entrer le sourire aux lèvres,
Car nulle cour ne peut se dire accomplie
Si les uns rient et les autres pleurent,
Et tout souverain roi puissant que soyez,
Si ne m’ouvrez, vous devrez en répondre.

De vous je ne veux me désespérer ;
Bien plutôt, je place en vous tout mon espoir
Que me défendiez au moment du trépas
Et sauviez et mon âme et mon corps.
Vous mets en mains un excellent marché :
Ramenez-moi là où j’étais avant de naître
Ou pardonnez ces torts que j’ai du commettre ;
Ne les aurais point faits sans avoir vu le jour.

Avoir le mal ici bas et ensuite l’enfer,
Selon ma foi, ce serait tort et péché;
Je pourrais bien vous intenter le procès
Que pour un bien j’écope d’un infini mal.