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Humanisme des troubadours

Humanisme des troubadours

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Raimbaut d'Orange était-il "Cathare"?

Raimbaut"Nescis als fatz"[1]. Raimbaut d'Aurenga est un trobador qui, dès son vivant, a été en butte à l'incompréhension, à la controverse. Il faut reconnaître qu'il a volontiers contribué lui-même à alimenter une réputation sulfureuse d'originalité, de difficulté, d'extrémisme stylistique et de violent paradoxe ; il semble avoir voulu savamment entretenir cette image « d'horrible travailleur » du trobar avant l'heure. Il en a sans doute résulté la tâche particu­lièrement ardue de l'interprétation de la tradition manuscrite qui nous transmet ses chansons. En effet, selon Walter T. Pattison, les copistes, dans plusieurs cas importants, auraient cédé plus souvent qu'à leur tour à la tentation d'une réécriture "rationalisante", tentation à laquelle les philologues modernes n'auraient pas toujours résisté non plus (Pattison, 1952, p. 121, n. 52ff et supra). Tout ceci ne fait éventuellement que souligner l'importance de ne pas négliger les rigueurs de l'exégèse littéraire au cœur même de la démarche philologique ; et à cet égard, me semble-t-il, Raimbaut d'Aurenga pourrait pres­que représenter un cas d'école.

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Lonh de paradis : géopolitique méditerranéenne, thématiques courtoises et religieuses dans « d'un sirventes far » de Guilhem Figueira

Patrick Hutchinson

Al-Kamil-_and_Frederick_IILes réflexions que je vais tenter d'engager devant vous, en les appuyant sur un cadre historique et géopolitique aussi solide que possible, sont à considérer comme ayant une valeur essentiellement suggestive. Nous aurons pour ambition de rétablir ce qui est certainement parmi les exemples les plus frappants d'un genre incontournable du trobar d'oc médiéval - ce double, ombre et serviteur parfois ironique de la canso reine, le serventes - dans la pleine dimension de ses enjeux politiques, et même géopolitiques. Ce qui m'autorise à une telle audace est non seulement le fait que l'auteur de l'immense et sombre poème - à certains égards, de par l'âpreté et la violence de ses accents, annonciateur de la haine justicière de l'Enfer de Dante - est toulousain. Mais également, j'espère le démontrer, le fait que, dans les attendus explicites et implicites de ses développements, de par les personnages, les événements et les conjonctures auxquels il se réfère, il vient situer le Toulouse de son temps du point de vue politique, culturelle et littéraire, non seulement « au carrefour des cultures », mais en plein coeur des réalités qui déterminent le devenir géopolitique méditerranéen, et même européen.

Il va donc s'agir d'un poème, le serventes «D'un serventes far en est son que m'agenssa» du trobador toulousain du XIII` siècle Guilhem Figueira à restituer, du point de vue de l'histoire littéraire et de l'Histoire tout court. Cela non seulement en tant que reflet, mais comme parti-prenant, « et même comme acteur» d'une des crises les plus importantes du moyen-âge européen et méditerranéen - en tout cas certainement des plus décisives pour le devenir, aussi bien sur le plan local (et donc occitan) que global (notamment sur le plan des rapports entre Occident et Orient). Ajoutons seulement que, conscient des difficultés d'une aussi vaste entreprise, je me tiendrai pour quitte aujourd'hui si, grâce à ces quelques réflexions, j'aurai réussi à placer un très grand poème politique occitan à nouveau pendant quelques minutes au coeur de nos débats.

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Peire Vidal, géographe amoureux et/ou producteur d’espaces de propagande politique?

Patrick Hutchinson

Peire VidalPeire Vidal a souvent était perçu comme étant l’un des trobadors qui mobilisent le plus de références géographiques. Encore plus, on peut affirmer sans trop de risque qu’il est probablement le trobador qui mêle de la façon la plus explicite et détaillée les évocations toponymiques et géographiques avec le discours amoureux, bien que ce soit là l’un des topoï fondamentaux des troubadours. C’est certainement parmi les virtualités fonctionnelles du trobar qu’il a personnellement le plus contribué à développer: la production poétique de l’espace. Pourtant, c’est loin d’être un trobador purement local ou régionaliste - encore moins, national ou nationaliste. Dans un sens, pour utiliser un raccourci volontairement abusif, ses chansonniers peuvent se lire un peu comme un tableau à double entrée entre le Forbes 100 et le Baedeker de son temps. Cela peut tenir tout d’abord à des considérations pratiques ou techniques: Peire a énormément bougé dans sa vie d’artiste sur tout l’échiquier géopolitique de son temps[1], celui grosso modo d'une grande partie de la chrétienté du tournant des XII°, XIII° siècles en reconfiguration et en expansion - par goût de l’aventure, ou pour des raisons économiques, cela reste à trancher. Ont pu présider à son goût pour les références géographiques aussi, bien entendu, un parti pris technique de la rime, ou cette significatio per ambiguitatem, jeux de mots et figures étymologiques sur des noms de lieux qu’a bien su relever, à la suite d’Avalle, Veronica Fraser dans une communication livrée ici-même il y a cinq ans[2].

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