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Peire Vidal: Anc no mori per amor ni per al...
Anc no mori per amor ni per al [PC 334, 4]
Peire Vidal, trobador toulousain (XII° siècle)
Source : D’Arco Silvio d’Avalle, Peire Vidal, Poésie XXXIII, p. 237
Texte de référence pour la création de Crozada d’Uei
Traduction Patrick Hutchinson
On ne meurt jamais d’amour ni d'autre chose,
Mais ce qu’elle me fait vivre vaut bien de mourir,
Car je vois bien que ce qui plus au monde m'agrée
Ne me veut plus que mal et douleur infinie,
Ce qui vaut mort, mais plus durement fait souffrir
Que serons bientôt vieillis et usés, elle et moi,
Moi du mal de l'âge, elle de jeunesse sans repos ;
J'ai peine pour moi, pour elle cent fois plus de maux.
Je n'ai jamais connu procès aussi inéquitable,
Car tout ce qu'ai pu dire ou écrire par le passé
Qui pourrait la toucher ou lui faire du bien,
(A toute autre tâche je crois perdre mon temps),
Elle fait mine de le trouver vil ou déloyal.
Par pitié de vainqueur, ou pour l'amour de Dieu,
Si je ne trouve auprès d'elle un peu de rémission,
Elle sera dans son tort et son péché sans pardon.
Dame, pourrais aisément tuer, si cela te chantait,
Celui qui ne peut autrement que de t'aimer :
Mais à la nouvelle, tu ferais fuir les bons gens,
Car tu aurais transformé ton péché en crime.
Je suis homme lige, je ne m'appartiens plus guère,
Mais même un serf peut fuir un mauvais maître ;
Et puissant seigneur, quand il a perdu ses gens,
Vaut bien peu, tel Darius après Gaugamèles.
Pour comble de tout j'aime tout seul à la folie
Une qui ne daigne plus me voir ni m'entendre.
Que me reste-t-il, puisque ne sais m'en séparer
Et pitié ni tendresse n’accueillent ma détresse ?
Je ferai, à force de souffrir, comme le pèlerin
Qui cherche sans fin, jusqu’à ce que de neige
Naît ce cristal dont on tire le feu brûlant :
A force de patience on vient à bout de tout.
Que ferai-je donc ? Il ne me reste plus qu'à souffrir,
Tel l'otage sans droit qui ne peut plus s'évader
Ni réfuser qu'on le torture, seulement rendre grâces
A celui qui le délivre par loyale amitié.
Si voulais, Dame, aurais vite viré d'allégeance,
M’en allant ailleurs où le plaisir m'attend ;
Mais à part vous ne sais qui puisse me ravir,
Rien au monde dont j'attends l'entier jouir.