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Controverse sur Les Cathares et la ‘Croisade des Albigeois’ : rouvrons le débat...
Résumé :
Le déconstructionnisme, le nominalisme à la Foucault ont sans doute toute leur place dans la nouvelle ‘Nouvelle Histoire’ de l’Occitanie, du Catharisme et de la Croisade des Albigeois, mais doivent-ils vraiment devenir les instruments d’une sorte de ‘ostracisme disciplinaire’, politique d’exclusion que certains pourraient sans difficulté subodorer comme ayant un parfum discret de ‘Révisionnisme’ ou de ‘Reconquista’ nationalitaire ou jacobin ? N’est-ce pas trop leur demander et quelque peu trahir les intentions de leurs créateurs ? N’y-a-t-il pas place pour un débat plus ouvert et plus complexe à la fois ?
Avec le spectacle ‘Crozada d’Uei II – Le Siège de Beaucaire’ , nous avons voulu démontrer entre autres choses que la Provence de la résistance – à l’intolérance, à l’autoritarisme centralisateur, aux forces de persécution anti-démocratiques et antihumanistes – dans les faits existe, tout comme dans le reste de l'Occitanie, dès le Moyen-Age et notamment au moment des luttes héroïques pour les libertés communales que suscite la Croisade dite ‘des Albigeois’ - expédition théocratique et punitive que l’on peut à bon droit taxer de ‘totalitaire’, ancêtre des modernes génocides européens, avec ses bûchers de masse, ses autodafés et sa création de l’inquisition bien avant l’Espagne - innovations qui, toutes proportions historiques et démographiques gardées, ne le cèdent en rien à l’atrocité des pires guerres des XXème et déjà du XXIème siècles.
Cette ‘pseudo-croisade’, comme le désigne un troubadour de l’époque , va en effet se renouveler d’année en année entre 1209 et 1226 en prenant pour cible le naissant Etat de Toulouse, et donc la majeure partie du Midi occitan, avec sa langue, sa littérature propres, de haut vol, dont l’influence se répand dans toute la Chrétienté, sa culture religieuse et son système de gouvernance bien spécifiques, en pleine évolution historique vers un modèle sans doute divergent, basé sur la richesse des échanges méditerranéens - en tout cas visiblement en rupture avec celui qui prend forme à la même époque autour d’une papauté théocratique centralisatrice au moyen d'une monarchie capétienne en voie de devenir une ‘théocratie d’Etat’, du nord de l’actuelle France.
Ce que nous avons surtout essayé d’établir à travers cette partie de notre spectacle – ou du moins de rappeler de façon vivante par-delà les siècles, les biais et les barrières culturels – c’est bien à quel point cette ‘Croisade des Albigeois’, et surtout ses retombées, font tout autant que pour le reste de l'Occitanie partie intégrante et incontournable du patrimoine mémoriel et civique.
Or, presque simultanément, nous avons vu déferler, y compris ici même – dans le sillage de colloques et de publications universitaires, dont la probité et la méthodologie scientifiques - à la différence peut-être des conclusions de certains émules - ne sont pas en principe en cause, et puis plus récemment dans la presse de vulgarisation historique ne se refusant pas toujours au raccourci polémique, ainsi que sous forme de conférences publiques et/ou de ‘pronunciamientos’ radiophoniques - une assez étrange série de tentatives d’obscurcir ou de minoriser la forte signification historique et culturelle de ces événements - dont nous ‘commémorons’ encore le huit centième anniversaire - avec les questions de première importance pour nos devenirs régional, national et européen qu’ils font ressurgir.
Ce courant de pensée, trouvant son origine dans la recherche savante, il y a de cela une ou deux décennies déjà, et se prévalant de l’introduction de nouvelles perspectives critiques dans la recherche historique sur les sociétés médiévales du Midi, a néanmoins malheureusement semblé plus récemment glisser de prémisses et d’hypothèses de travail ouvertes et complémentaires par rapport à une longue histoire de recherche antérieure, vers des oukases de plus en plus intempestifs. De nouveaux outils et paradigmes de la recherche, souvent féconds - grosso modo, on pourrait décrire cela comme l’introduction assez tardive de techniques d’analyse structuralistes ou poststructuralistes dans le champ de recherche en question – on semble désormais être en passe d’arriver à l’exclusion de pans entiers de la production savante, à l’intérieur et à l’extérieur de l’institution universitaire, et à une prétention à la tabula rasa disciplinaire.
Tout cela serait plus ou moins ‘une tempête dans un verre de pastis’, un pugilat certes brutal, du moins pour les réputations, mais obscur – bien que non dénué d’importance pour les carrières ! – s’il était resté confiné à l’intérieur de l’enceinte du monde de la recherche, et si ce qui était en cause n’était qu’une lutte féroce mais convenablement feutrée pour le pouvoir académique. Mais vu l’objet de la recherche en question : c’est-à-dire l’impact de la ‘Croisade des Albigeois’ et de la répression anti-cathare sur les sociétés méridionales à l’époque médiévale - et le type d’interprétation, relativisante ou non, qu’on voudra imposer aussi bien de l’un et de l’autre – on ne peut s’empêcher de penser, même si ce courant de la recherche historique fondamentale ne s’était pas voulu religieusement ou politiquement engagé et/ou biaisé dès le départ, qu’à force d’anathèmes il a fini presque fatalement par le devenir.
C’est au point que la mouvance universitaire qui a pris l’initiative de l’introduction de cette nouvelle méthodologie sur la société méridionale du Moyen-Age finit par donner parfois l’impression d’être moins mue par le seul souci des avancées de la recherche que par une sorte de zèle réformatrice qui s’adresse bien au-delà de l’enceinte universitaire (tout en impactant fortement celle-ci). Les principales cibles de sa critique ne semblent désormais plus être seulement internes à l’institution universitaire elle-même, en quelques sorte ‘à armes égales’, d’un chercheur à un autre, sur le plan national ou international, mais en fin de compte surtout s’adresser à une circonscription bien plus large, extérieure à celle-ci. S’il faut bien admettre qu’il existe dans ce courant une pluralité de positionnements, de tendances et de degrés, le contenu implicite ou explicite de cette critique ‘refondationnelle’ semble progressivement être devenu de plus en plus ouvertement ‘militant’ et prescriptif, notamment en direction du grand public. Tout ceci aboutissant à une proclamation urbi et orbi de ‘l’inexistence du Catharisme’ en même temps qu’à une tentative de réduction de la ‘Croisade des Albigeois’ au statut d’une guerre de religion locale parmi d’autres, n’ayant que des retombées mineures pour une partie infime de la population.
Tout se passe en fait comme s’il s’est agi de trouver enfin le moyen ‘scientifiquement imparable’ de contenir ou de contrecarrer un autre phénomène, de fond celui-ci, intellectuel et social à la fois, et non totalement réductible à l’imprimatur de l’université – le plus probablement, parce que son développement n’a longtemps pas été ressenti comme suffisamment central pour qu’on y prête attention – mais qui aura tout de même duré sous bien des formes et à bien des niveaux depuis bientôt deux siècles : la montée spontanée et quelque peu ‘sauvage’ – en tout cas, pouvant être considéré comme éventuellement ‘hétérodoxe’ par rapport à l’histoire et à l’historiographie du ‘récit national’ – d’une forme de narration divergente ou plurielle, à propos des devenirs de l’espace méridional de l’actuelle France.
Ce récit a souvent été – et l’est souvent encore – plus ou moins consciemment imprégné de courants de pensée dissidents : depuis le libéralisme romantique du XIXème siècle, jusqu’au pacifisme et au socialisme utopique des coopératives ouvrières et paysannes du début du vingtième siècle, au tiers-mondisme, à l’anticolonialisme intériorisés et à l’écolo-anarchisme de son dernier tiers, pour n’en mentionner que les plus marquants. Il a pu déborder ainsi de façon peut-être parfois trop indisciplinée les rives de la séparation entre savoir professionnel (ou homologué par l’institution) et savoir ‘amateur’ ou mythologie populaire, et a semblé même se coalescer sur les décennies en une sorte d’utopie alternative, un récit non-national capable d’infiltrer assez largement différentes couches sociales et sphères d’activité. Assez en tout cas pour commencer à constituer une sorte de ‘contre-doxa’ un peu nébuleuse, composée d’une accrétion de réalités et de mythes – et parfois d’inexactitudes historiques exploitées à des fins commerciales - mais dont l’ensemble débouchait sur un sentiment d’appartenance le plus souvent constructif, progressiste et novateur – et cela en dépit du contrepoint assez violent d’un ‘grand remplacement’ démographique, véritable cette fois-ci, et du choc d’une reconfiguration urbaine et périurbaine bien réelle.
Tout donc semble se passer comme si c’était dans cette réémergence bariolée, quelque peu bricolée – non-homologuée par le savoir officiel - qu’il fallait avant tout mettre de l’ordre, et tout d’abord en s’attaquant à quelques supposés ‘mythèmes’ fondateurs. Et comme si, partant de là un certain nombre d’esprits hautement formés et ‘très autorisés’ se sont sentis suffisamment concernés ou déstabilisées pour - en sautant à pieds joints de prémisses partielles à des conclusions absolues - élaborer les prolégomènes d’une contre-attaque en apparence extrêmement sophistiquée et intellectuellement bien armée.
Il fallait avant tout, semble-t-il, prendre pour cible, non pas en priorité des chercheurs universitaires, mais de ces ‘clerici vagantes’, clercs errants, bootleggers mi savants, mi populaires, qui avaient encore l’audace et l’outrecuidance d’élaborer un récit historique potentiellement divergent, donc toxique, pouvant conduire à la prétention d’introduire une bifurcation plurielle dans l’édifice patiemment rapiécé du récit national, conduisant même vers une sorte d’utopie concurrentielle, cela juste au moment où sous les coups de boutoir d’une mondialisation devenue réalité, le sentiment de soi national entrait très nettement en crise.
Une telle outrecuidance – surtout étoffée à l’époque de succès de librairie parfois insolents – ne pouvait durer. Il fallait s’en prendre – sans aller juste à leur faire l’honneur de ‘les’ nommer, à part quelques très discrètes notes de bas de page – à la méthodologie des principaux meneurs, ayant été capables, sans même connaître le ‘latin’ structuraliste et poststructuraliste, de s’attirer un poids considérable d’attention publique. Il n’était pas admissible que de tels individus soient autorisés à ‘prêcher’ plus longtemps, à dévoyer les foules de façon aussi insensée, hors tout contrôle du magistère ! Bref, une campagne de mise-au-pas qui peut étrangement par certains côtés ressembler à une nouvelle mission des ordres mendiants autorisés par Rome à se déployer contre les fauteurs de la heretica pravitas, interdits de prêcher et incapables de parler latin, a pu sembler se mettre en branle à l’encontre de tels ‘historiens amateurs’.
Il semblerait bien, en tout cas, que refuser toute légitimité, tout droit à la parole à un aussi vaste et riche mouvement historique, littéraire, linguistique, artistique et social, s’étalant sur au moins deux cents ans – en ce qui concerne sa ‘reviviscence’ moderne – ne semble pas tant relever d’une ‘coupure épistémologique’, d’une quelconque révolution scientifique, que courir le risque de prendre les apparences d’une opération de mise-au-pas idéologique, ou du moins de se voir récupérer et instrumentaliser par ceux qui ne rêveraient pas mieux que de ‘vider le bébé avec l’eau du bain’.
En effet, il ne faut pas ignorer que, notamment sur le plan universitaire - mais pas seulement ! - c'est là un débat qui 'fait rage' depuis maintenant au moins deux décennies entre ceux qui ont tendance à nier l'existence même du Catharisme et à minorer l'impact et l'importance des retombées de la Croisade et ceux qui critiquent ces positions comme étant insuffisamment approfondies et étayées par un savoir péremptoire et hâtif (voir l'essai en cours de publication de Peter Bilger, universitaire Britannique). C'est un sujet donc important, à dimension internationale même, qui mobilise des esprits puissants et réputés des deux côtés, et qui est surtout loin d'être tranché, sauf pour certains milieux prosélytes et jacobins, plutôt hostiles au développement même de l'idée de l'Occitanie en tant qu'entité réellement existante et surtout aux développements de l'occitanisme...
Et je ne peux pas non plus taire mon désaccord avec le biais qu'y ont pris désormais certains commentateurs actuels: tout d'abord je ne suis pas d'accord avec Felip Martel lorsqu'il ramène l'impact et l'importance de la redécouverte publique de l'histoire de la Croisade à l'époque contemporaine à la seule dimension d'une 'Roman Nationale' occitane. Je pense que cette redécouverte, qui n'était pas tout d'abord principalement ou du moins seulement occitane (Zoé Oldenbourg, Stellio Lorenzi...), a correspondu à des mouvements et des mobilisations plus largement sociologiques et psychosociologiques - donc à une espèce de profond mouvement de l'inconscient collectif - sur le plan européen et même encore sur un plan encore plus large, à l'intérieur des sociétés occidentales. J'en veux pour preuve que ces thématiques - y compris sous leur forme non savante et 'mythique' - sont encore aujourd'hui beaucoup plus largement répandues hors Occitanie - notamment sous la forme de best-sellers et de films grand public, mais aussi de beaucoup de livres vraiments sérieux - même si cette notoriété a fini a fortiori par avoir par contrecoup des retombées de même nature ici.
Dans tout le projet de Crozada d'Uei depuis dix ans et plus, ce qui nous a intéressés en fait a moins été un quelconque 'Roman National' (ou 'Micro-national') que les effets d'un déracinement (S. Weil) plus général de nos sociétés européennes par l'effet de ce que Pier Paolo Pasolini a le premier appelé le génocide culturel - signifiant par là la destruction de nos modes de vies, de nos cultures et de nos sociabilités profondes (y compris linguistiques) par ce qu'il est dans les milieux critiques aujourd'hui convenu d'appeler 'La Croisade Néo-Libérale' (Peter Dixon) et qui fait que, de façon plus ou moins inconsciente, nous sommes en quelque sorte 'depuis toujours déjà' embarqués dans les remous de cette Croisade avant même d'en avoir tout à fait conscience (d'où la thématique de la 'lettre volée, ou dérobée' présente dans toutes les parties de Crozada d'Uei...).
Je ne suis pas non plus d'accord de façon générale lorsqu'on prend la parole publiquement pour dire qu'il faut relativiser l'importance de la Croisade et de la thématique des 'Cathares', notamment parce que cela risque de minorer leur importance en tant que thématique actuelle de mobilisation politique et publique; deuxio, lorsqu'on en vient aux détails et aux preuves (supposément désormais allant de soi) je ne puis vraiment pas non plus souscrire implicitement ou explicitement à l'idée qu'il est désormais formellement établi et acquis que la fameuse 'Charte de Niquinta', rédigée pour le Concile de Saint-Félix, et qui nous est parvenu par une copie datée d'une vingtaine d'années plus tard, serait incontestablement un faux: le débat savant sur ce sujet n'est en définitive pas tranché, comme on le constatera en parcourant d'un oeil attentif certains des articles de grands savants qui figurent dans le dossier plus bas (notamment Peter Biller, Michel Roquebert).
Le déconstructionnisme derridien, le nominalisme à la Foucault ont sans doute toute leur place dans la nouvelle ‘Nouvelle Histoire’ de l’Occitanie, du Catharisme et de la Croisade des Albigeois, mais doivent-ils vraiment devenir les instruments d’une sorte de ‘coup d’état disciplinaire’, politique d’exclusion que certains pourraient sans difficulté subodorer comme ayant un parfum discret de ‘Révisionnisme’ nationalitaire ou jacobin ? N’est-ce pas trop leur demander et quelque peu trahir les intentions de leurs créateurs ? N’y-a-t-il pas place pour un débat plus ouvert et plus complexe à la fois ?
Encore faudrait-il ne pas succomber en termes de recherche en sciences humaines à ce dont nous avons ces dernières années trop souvent été les témoins ahuris dans le domaine politique, c'est-à-dire à la tentation des 'Faits Alternatifs' - à savoir, d'oukases prononcées à partir de sources selectives, volontairement tronquées, ignorées ou incomplètes (voir l'article de Peter Biller). S'il est plus que jamais vrai que 'Tout fait pour exister a besoin d'un minimum de théorie' (René Thom), il ne faut pas pour autant succomber à cette proverbiale tentation de tailler les faits aux besoins de sa théorie, plutôt que de s'astreindre à faire l'inverse, c'est-à-dire d'accomoder sa théorie à l'obstination des faits, ce qui est la base de toute approche scientifique véritable, et à défaut de quoi on ne fait que nager en pleine idéologie.
D'ailleurs, même du point de vue de la théorie, dans le cas par exemple du livre apparemment très influent de la sociologue Marie-Carmen Garcia et du politologue William Geneys, 'L'Invention du Pays Cathare, Essai sur la constitution d'un territoire imaginé', on peut soupçonner un certain degré de naïveté dans tant d'ingéniosité à vouloir 'déconstruire' ce qu'ils considérent et veulent démontrer de façon dévastratrice comme étant le mythe fabriqué de toutes pièces de ce dit 'Pays Cathare', territoire imaginaire élaboré pour attirer les touristes (notamment, on le suspecte, du nord de l'Europe, protestantisme culturel oblige!). En effet, se trouver au milieu du vrombissement des camions et des gaz d'échappement des gros cylindrés sur l'A9 à hauteur de Béziers sud et être brutalement confronté à un grand panneau qui vous apprend que 'Vous êtes en Pays Cathare' peut avoir quelque chose de plus que cocasse.
Mais en tant que sociologue et politilologue universitaires, ils devraient savoir - et savent certainement, mais sans le dire - que toute édification institutionnelle ou à fortiori nationale se fonde sur une construction mobile et selective de dates, de thématiques et de traditions plus ou moins mythiques, c'est-à-dire sur un roman (au sens du 'roman familial' de la psychanalyse freudienne), et qu'analyser ce roman dans ses dynamiques fait partie de l'approche 'constructiviste' de toute réalité institutionnelle qui s'est imposée depuis les années soixante-dix au moins dans leur disciplines respectives.
Il faut donc ne pas avoir lu Suzanne Citron ou Pierre Birnbaum, pour faire comme si le 'Roman National' français - parmi tant d'autres, il n'y a pas d'exclusivité dans ce domaine - n'était pas au moins autant basé sur des 'faits', des dates et des prémisses imaginairement biaisés et 'mythologisés' - souvent de façon délétères ou morbides, je n'en veux pour exemples que le 'Sacre de Rheims' ou la 'Colonisation civilisatrice' - que cette 'Invention du Pays Cathare', dont les retombées sont plutôt bien modestes par comparaison. Bref, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'ils se sont, du point de vue scientifique, quelque peu 'abaissés', pour pondre un ouvrage essentiellement 'nationalitaire' et polémique. Encore une fois, la 'scientificité' passe au deuxième rang, alors qu'il y a dans cette 'matière occitane' - y compris dans sa dimension médiévaliste contemporaine et 'populaire' - un aussi riche terreau de courants et de référentiels à prendre comme objets de recherche.
... Napoléon Peyrat, Réné Nelli, Simone Veil, Réné Bousquet, Les Cahiers du Sud, Charles Camproux, Robert Lafont, Félix-Marcel Castan, Max Rouquette, Jean Duvernoy, Michel Roquebert, Anne Brenon, Felip Martel, la liste reste très, très largement ouverte bien sûr, méritent-ils vraiment à ce point l’anathème et tant de mépris ? Incriminerait-on Michelet parce qu’il ne connaissait pas le structuralisme, ou parce qu’il n’avait pas (encore) lu Foucault ? On critiquera telle ou telle limitation factuelle ou ‘angle aveugle idéologique’ de ses écrits, mais on ne l’ostracisera pas. Dans le cas de la ‘matière occitane’, autre chose que des enjeux purement scientifiques serait-il en jeu ?
Tout cela fait que la controverse sur l’existence ou l’inexistence des Cathares et la relativisation ou non des retombées de la Croisade des Albigeois est aujourd’hui bien loin d’être le sujet négligeable ou secondaire – de pur ‘provincialisme’ régionaliste– que l’on prétend, et mériterait sans doute le lancement d’un débat sérieux – et même de toute une série de débats – véritablement ouverts !
Patrick Hutchinson, Mars 2017/Mars 2021.